La COUR INTERNATIONALE de JUSTICE CONDEMNE L'UGANDA

La Cour Internationale de Justice (CIJ) à La Haye a rendu, au 19 décembre 2005, son arret sur "Activités armées sur le territoire du Congo (RDC vs Ouganda)". Il s' agit d'une procedure qui a été entamée par la RDC, 23 juin 1999, sous la présidence de Laurent Desiré Kabila. Nous croyons que cet arret est extremément important; il contient une condemnation claire, et sans appel, de la politique belliciste du gouvernement ougandais dès son attaque le 2 aout 1998 et du comportement de membres de l'UPDF, l' armée ougandaise, dans la zone occupée en particulier l'Ituri et Kisangani.

Dans cet article nous voulons écrire (1.) sur quelques aspects de l'arrêt lui-meme, (2.) sur notre propre implication dans l'affaire, et (3.) sur la question de paiement de la réparation aux victimes.

1. La CIJ a publié un bon résumé de son arret (25 pages) sur son site (voir: www.icj-cij.org/cijwww/cdocket/cco/ccoframe.htm . La Cour a consisté d'un groupe de 17 juges de partout dans le monde. Les 14 décisions sur les differents aspects du cas ont été prises chaque fois avec une presque-unanimité (normalement, ce n'etait que le juge ougandais Kateka, qui s'opposera). Nous relevons quelques passages du dispositif:

- (3) Comportement de l'UPDF:
"Dit que, par le comportement de ses forces armées, qui ont commis des meurtres et des actes de torture et autres formes de traitement inhumain à l’encontre de la population civile congolaise, ont détruit des villages et des bâtiments civils, ont manqué d’établir une distinction entre cibles civiles et cibles militaires et de protéger la population civile lors d’affrontements avec d’autres combattants, ont entraîné des enfants-soldats, ont incité au conflit ethnique et ont manqué de prendre des mesures visant à y mettre un terme,..."

- (4) Pillages des resources naturelles:
"Dit que, par les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises commis par des membres des forces armées ougandaises sur le territoire de la République démocratique du Congo, et par son manquement aux obligations lui incombant, en tant que puissance occupante dans le district de l’Ituri, d’empêcher les actes de pillage et d’exploitation des ressources naturelles congolaises, la République de l’Ouganda a violé les obligations qui sont les siennes, en vertu du droit international, envers la République démocratique du Congo;"

- (2) Kisangani:
"Déclare recevable la demande de la République démocratique du Congo selon laquelle la République de l’Ouganda a, au cours des hostilités entre les forces armées ougandaises et rwandaises à Kisangani, violé les obligations lui incombant en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit international humanitaire;"

- (5) (6) Réparations:
"Dit que la République de l’Ouganda a l’obligation, envers la République démocratique du Congo, de réparer le préjudice causé;" Et: "Décide que, au cas où les Parties ne pourraient se mettre d’accord à ce sujet, la question de la réparation due à la République démocratique du Congo sera réglée par la Cour, et réserve à cet effet la suite de la procédure;"

Les premieres réactions de Kampala ont laissé entendre que dans le gouvernement ugandais on a bien compris que l'arret est destructeur pour la position de l'Ouganda, mais officiellement on dit d'etre heureux que leur propre 'claim' sur l'attaque contre leur ambassade à Kin. a été reconnu, et qu'on va commencer des négotiations avec la RDC sur la question du paiement de réparations (concernant leur ambassade).

2. Bienque chez nous les sentiments de joie dominent, il y en a aussi de frustration. Pour expliquer ce dernier, nous esquissons ci-dessous quelques-unes de nos multiples initiatives durant la periode concernée (en supprimant nos actions concernant le Rwanda, aux-quelles nous pourrons revenir plus tard, quand la CIJ a rendu arret dans ce cas):

- 30/9/1999: Lettre aux membres de la Commission Affaires Etrangeres du Parlement Néerlandais (CAEP) pour dire que nous avons été stupéfait par le chaleureux rencontre entre Mme Herfkens (alors ministre de Coopération des Pays Bas) et le President Museveni à Kampala (diffusé à la télévision néerlandaise), et pour leur rappeler:
. les combats dans la ville de Kisangani entre les ougandais et les rwandais, fin septembre 1999, qui ont tué au moins 200 civils;
. la présence de troupes ougandais au Congo qui servent surtout le pillage des richesses naturelles congolaises;
. le budget militaire ougandaise qui surpasse le 58% du budget total du pays, ce qui est inacceptable pour un pays pauvre.
[Ajoutée est une copie d'une lettre du 31/8/99 par mme Cynthia Mc Kinney, membre du Congres americain, qui rejette l'agression de l'Ouganda et du Rwanda.] Nous demandons une attitude plus critique de la part du gouvernement néerlandais contre l'Ouganda.

- 12/9/2000: Lettre aux membres de la CAEP pour leur informer:
. sur la confrontation meurtrière entre les armées ougandaises et rwandaises à Kisangani en juin 2000, faisant au moins 619 morts;
. sur les appels de Amnesty International au Rwanda et à l'Ouganda pour arreter leurs tueries au Congo;
. sur la resolution du Conseil de Securité de L'ONU (1304, du 16/6/00) exigeant le retrait de troupes (ce qu'il n'aura pas lieu);
. sur un rapport de Human Rights Watch sur des mines anti-personelles qui sont utilisées par l'Ouganda et le Rwanda au Congo, en particulier pendant leurs combats à Kisangani, tandis qu' ils ont souscrit le 'Mine Ban Treaty";
Nous avons posé la question, comment notre gouvernement peut soutenir financièrement des régimes qui font des victimes civils sur une grande échelle, qui se fichent des résolutions de l'ONU, et qui emploient des mines antipersonelles.

- 19/9/2000: Lettre aux membres de la CAEP, avec de la documentation qui démontre que l'Ouganda utilise 55% de l'assistance au développement pour ses dépenses militaires. Nous demandons un changement radical du politique néerlandaise envers l'Ouganda et le Rwanda.

- 4/12/2000: Lettre aux membres de la CAEP pour accuser le massacre à Butuhe de 30 civils congolais par des membres du UPDF, qui avaient été dérangés dans leurs activités de pillage de coltan. Nous signalons aussi que d'après le International Institute of Strategic Studies, il y a 15.000 UPDF au Congo, soi-disant pour combattre 500 rebelles ADF, mais qui sont là pour piller les resources naturelles; le budget militaire de l'Ouganda est $199 million, au lieu de $138 million, le montant officiel. Nous demandons, comment le gouvernement néerlandais peur continuer à soustenir un tel pays.

- 21/3/2001: Lettre aux membres de la CAEP dans le cadre de la discussion d'une mémoire gouvernementale sur sa politique pour la Région des Grands Lacs. Nous signalons plusieurs erreurs et mal-conceptions dans la mémoire: Le ministere n'a pas pris connaissance du rapport du rapporteur de l'ONU, Roberto Garreton, qui ecrit que " Uganda …committed terrible massacres of the civil population .." . On néglige le fait que le confict Hema-Lendu est incité intentionellement par le commandement de l'UPDF.

- 28/4/2001: Lettre aux membres de la CAEP pour attirer leur attention au Rapport du Panel de l'ONU sur le pillage de ressources naturelles du Congo (16/4/2001). Ce rapport constate (entre autre choses) que les donneurs contribuent à la continuation de la guerre. Nous demandons notre gouvernement de soutenir la recommandation du rapport pour que la Banque Mondiale et le FMI suspendent leur assistance au Rwanda et à l'Ouganda, et d'arrêter l'assistance néerlandaise.

- Le 26 février 2002 nous offrons au Parlement néerlandais, aux mains du président de la CAEP, M. De Hoop Scheffer (actuellement président de l'OTAN!) une pétition pour le gouvernement, intitulée "Arrêt au pillage au Congo. Arrêt à la guerre au Congo" , signée par 1691 personnes. Nous obtenons réaction de la part de la Ministre Herfkens, qui écrit que c'est l'absence du droit dans l'Est du Congo qui est à l'origine des problèmes: celle-ci évoque les pillages et attire des armées étrangères. Dans le cadre multinational on doit combattre le 'conflict related trade'!

- En avril 2002 nous publions la traduction en néerlandais du livre "Pourqu'on n'oublie jamais", qui décrit, en forme de déclarations de témoins oculaires et de photos de victimes et de batiments détruits, les souffrances des habitants de la région par suite des crimes de militaires ougandais et rwandais et leurs acolytes. Le livre est presenté au public pendant une journée de réflexion dans une église à Amsterdam. Le document est distribué en grande quantité, mais n'évoque que peu de réactions. On préfère de n'en prendre pas connaissance: la véracité n'est pas contestée, mais les images sont trop affreux!

En conclusion: Nous pensons que le gouvernement et le parlement néerlandais ont été amplement informés sur la politique de l'Ouganda et du comportement son armée au Congo. Pendant toute la période, les parlementaires néerlandais ont été au courant des pillages et des violations des droits humains perpetrées par des ougandais à l'Est du Congo. Jamais ils n'ont fait des démarches pour terminer le soutien financier de notre pays au regime criminel de Museveni. Ainsi, les Pays Bas se sont fait co-responsible aux crimes perpetrées au Congo.

3. Prochainement, des négotiations entre la RDC et l'Ouganda vont commencer pour discuter la question des réparations (peut-etre elles ont commencé déjà.) On dit que le montant à payer par l'Ouganda pourrait s'élever à 6-10 milliard de dollars! C'est un montant énorme, environ équivalent au total de la dette extérieure de la RDC, ou aux dépenses militaires américaines pour une semaine.

Mais, comment un citoyen, victime du confict peut-il concretement obtenir réparation? Il y a raison pour être très alert. Sans doute, on va exercer pression sur le gouvernement congolais pour abaisser le montant exigé, en disant que l'Ouganda est un pays pauvre, et qu'il est plus important de faire réussir la Conférence de l'ONU sur la Région des Grand Lacs et de devenir des bons amis avec les pays voisins.

Pour Kisangani, par exemple, ainsi le montant obtenu ne sera pas suffisant pour dédommager les victimes et pour reconstruire les batiments détruits. D'autre coté, le paiement de réparations sera très important pour la ville, pas seulement pour les victimes eux-memes, mais pour la population entière, parce que une injection de plusieurs millions de dollars pendant quelques années dans l'économie de la ville (par des travaux de reconstruction) pourra créer une reprise économique de la ville. Mais sans initiatives de la société civile de Kisangani et du district/province Ituri, nous craignons que le procedure puisse se repeter que l'on a vu à maintes reprises dans d'autres pays: les négotiations sont mené au niveau du gouvernement, le dommage est fixé trop bas, et l'argent n'arrive jamais chez ceux qui ont souffert.

Il vaut la peine de lire l'article de l'avocat Fidele Zegbe Zegs dans Le Potentiel du 8 janvier 2006 sur ce sujet. Il conseille de mettre sur pied rapidement une Commission Nationale d'Indemnisation des Victimes d'Agression de la RDC, qui peut soutenir le gouvernement dans la négociation avec l'Ouganda. "Elle servira de bureau d'études, elle devra recueillir et analyser les demandes de citoyens". Mais, à notre avis, ça ne pourra réussir que si, au niveau local (Kisangani, Bunia) il y aura une comité, issue de la sociéte civilé, qui a la confiance de la population et qui pourra inventorier dégâts et défendre les réclamations au niveau national.

Pour Congo-Ned,

Nelly Koetsier,
Nico Dekker.
18/01/06